La sagesse d'abandonner

Paru le 21 mars 2016

Par Isabelle Falardeau, conseillère d'orientation et auteure
 
Notre cerveau est programmé pour viser une cible et tout faire pour l’atteindre. Nos ancêtres devaient faire preuve d’acharnement pour survivre. Or, cette ténacité peut devenir, de nos jours, contreproductive. En effet, pour mieux s’adapter à la vie d’aujourd’hui, il faut aussi apprendre à décrocher d’un but inatteignable.
 
Les pressions sociales à tenir le coup, coute que coute, proviennent de partout : la famille, les amis, l’école, les milieux professionnel, sportif, artistique et économique. Les médias nous renvoient inlassablement des messages démontrant que ceux qui persévèrent sont toujours gagnants et ceux qui abandonnent sont des perdants, voire des « lâcheurs »! Par crainte d’être jugé ou par refus de se dévaloriser, on s’acharne, on piétine, on tombe, on se blesse…
 
  • Mia a échoué plusieurs cours au cégep et se demande sans cesse comment elle pourra s’y prendre pour être acceptée en médecine. Pour elle, d’autres options sont inconcevables.
  • Mike s’accroche à un emploi qu’il déteste. En plus, il ne se sent pas valorisé par son patron. Il est dépressif depuis plusieurs mois. Pourtant, chaque matin, il se présente au travail.
  • Maude espère encore réussir ses auditions pour l’école de théâtre. Elle paie un coach et passe des mois à se préparer. Elle a déjà essuyé cinq refus…
Malheureusement, nous obstiner à poursuivre un rêve impossible nous fait tourner en rond et bloque toute définition de nouveaux objectifs.
" L’incapacité à se désengager d’un but inaccessible peut vraiment rendre malade[1]. "
Voici quelques sages conseils pour abandonner un objectif inatteignable et repartir vers de nouveaux horizons plus prometteurs :
 
  1. Réalisez que vous êtes pris dans une escalade de l’engagement (syndrome de la vieille bagnole ou du vieux couple) : « J’ai tellement mis d’argent (d’efforts ou de temps), que je ne peux plus laisser tomber maintenant. » Arrêtez-vous pour vous questionner sérieusement; il est peut-être maintenant temps d’abandonner…
  2. Écrivez les avantages et les inconvénients à persévérer de la sorte. Songez à l’impact sur votre santé physique et psychologique.
  3. Identifiez les émotions négatives que vous cherchez à éviter en continuant dans la même voie : peur du changement, de perte de statut ou de désapprobation sociale, crainte de vivre des regrets, de la culpabilité, de la honte, etc.
  4. Faites tranquillement le deuil de votre projet. Tentez de comprendre à quoi vous devrez renoncer, même si c’est difficile à envisager, et encore plus à accepter.
  5. Encerclez une date au-delà de laquelle vous cesserez votre acharnement. Cela permet de se donner une dernière chance, avant d’abdiquer.
  6. Fixez-vous de nouveaux objectifs pour redémarrer ailleurs vers un but plus accessible, plus réaliste, plus sain pour vous. Consultez des gens pour vous aider à trouver de nouveaux projets.
  7. Reconnaissez qu’il se peut que vous ne soyez pas encore prêt à amorcer un changement. Pardonnez-vous et restez ouvert à la possibilité de changer de direction quand vous sentirez qu’il sera vraiment temps.
  8. Accordez-vous le droit d’abdiquer et d’en être fier!
 
Si l’abandon permet l’engagement vers d’autres objectifs qui valent la peine d’être poursuivis, il devient alors véritablement un choix nécessaire.
 
Isabelle Falardeau est l’auteure de L’Orient-Expert (2013), de Sortir de l’indécision (2007) et de S’orienter malgré l’indécision (1999), ouvrages publiés chez Septembre éditeur.
 

[1] Streep, P. et Bernstein, A. (2015). Partir ou rester : l’art de prendre la bonne décision dans la vie, en amour et au travail. Éditions de l’Homme, Montréal.